La peur de perdre a changé de camp

La peur de perdre a changé de camp

Qu’est-ce qui diffère de la stratégie référendaire de PSPP quand on la compare à celle de ses prédécesseurs au Parti Québécois ?  On dirait que le chef actuel du PQ profite d’un passe-droit avec son engagement d’un référendum dans un premier mandat. Évidemment, ce n’est pas la première fois qu’un chef du PQ s’y chauffe. Mais l’électorat ne semble pas, du moins pour l’instant, s’en méfier autant qu’avant.  Pourquoi ?

À la fois comme indépendantiste convaincu et comme organisateur politique avec une certaine expérience, cette question me trotte dans la tête depuis plusieurs mois. Et j’ai beau retourner les arguments dans tous les sens, plus j’y pense, plus je suis convaincu que PSPP tient quelque chose. Je ne suis ni dans sa tête, ni dans son entourage. Je ne m’avancerai pas sur ses raisons intrinsèques. Mais on ne peut que constater qu’il y a effectivement un certain vent de changement. Quelques constats :

La population, même si elle n’est pas encore convaincue majoritairement d’appuyer un OUI, est prête à se faire poser la question.

C’est une vérité de La Palice : la grande majorité des Québécois n’a jamais voté dans un référendum. On ne peut plus dire que la majorité s’est déjà prononcée : cette majorité est … morte. Il semble alors que la peur d’être consulté disparaît aussi, même chez une grande partie de ceux qui voteraient NON.

Et quand on y pense, c’est totalement compréhensible. Il est sain démocratiquement, pour une nation qui vit dans une autre, que la question de son autodétermination se pose de temps en temps.  D’une génération, voire d’une époque à l’autre.  Ce qui était vrai il y a 30 ans ne l’est plus nécessairement aujourd’hui. Évidemment, on ne parle pas de tenir un référendum à répétition tous les ans. Mais on peut convenir que ça fait un bon bout qu’on ne s’est pas posé la question.

Une défaite référendaire ne serait pas la fin du monde (pas plus, ni moins que ne rien faire)

L’un des principaux arguments des commentateurs critiques de la stratégie de PSPP est que le PQ ne gagnerait pas le référendum.  So what, comme ils disent à Toronto. En démocratie, il est difficile d’accepter sans broncher l’argument qu’une élection ne devrait se tenir que si on peut la gagner. Dans ce cas, aussi bien ne tenir des élections générales que lorsque les sondages montrent que la population veut changer de gouvernement.

Ah, ce ne serait pas plaisant de perdre, ça c’est certain. Mais le statu quo n’est pas non plus une situation confortable. Le recul du Québec est déjà bien entamé. Sans une force positive comme l’indépendance, la « protection » de nos valeurs et de notre langue n’est qu’une façon de mourir moins vite.

Au contraire, on peut raisonnablement penser qu’une mobilisation des Québécois qui discutent de leur avenir pourrait changer les choses.  Les souverainistes présenteront leur projet de pays, et les fédéralistes devront présenter leur vision du Québec dans le Canada. Ils devront être créatifs, ça fait longtemps qu’ils n’ont pas eu à défendre leur terrain…

Personnellement, je vois très positivement la mobilisation d’un camp du OUI qui forcerait du monde à travailler ensemble : de Montréal et des régions, des artistes aux gens d’affaires. Et tout d’un coup, malgré les sondages, les commentateurs, les calculs politiques d’un camp ou de l’autre : tout devient possible.

L’attitude transparente du chef contraste avec le passé

On peut dire beaucoup de choses sur les stratégies adoptées par PSPP. C’est un chef du PQ après tout, ça vient avec son lot de critiques. Je suis moi-même souvent perplexe face à certaines prises de position. Mais je dois absolument saluer son attitude face à la question référendaire. Il n’a pas l’air de vouloir emberlificoter les Québécois.

De la cage à homard de Jacques Parizeau aux idées alambiquées de Jean-François Lisée, les Québécois ont été historiquement nombreux à se méfier d’une stratégie qui d’emblée se voulait démocratique, mais qui faisait tout pour éviter une défaite.  Bref, c’était facile pour les fédéralistes de crier à la gamique. Et qui aime passer pour le dindon de la farce ?

PSPP ne joue pas dans ce film-là. Je crois que c’est d’abord une conséquence des deux premiers constats énoncés précédemment. Si les Québécois ne craignent plus de tenir un référendum, et si les indépendantistes n’ont plus peur de le perdre, le chef du PQ a tout à coup les coudées franches.  Mais ne renions pas que ça prend du cran pour maintenir le cap et refuser de retomber dans les vieilles habitudes.  C’est, je crois, l’attitude qui convient aux circonstances.

La peur de perdre a changé de camp

En enlevant aux fédéralistes leurs principaux arguments anti-référendum, PSPP les oblige à adopter leur seule et ultime raison de ne pas vouloir consulter les Québécois : la peur de perdre.  Cette peur-là des fédéralistes existe, même avec un OUI à 40% dans les sondages, parce qu’ils savent que c’est possible. Et ils ont raison.

Les dirigeants du PQ veulent gagner le prochain référendum, c’est une évidence. Une défaite ne pourra jamais être envisagée, autant publiquement que dans le cœur des militants. C’est la même rhétorique lorsqu’un parti politique se lance dans une campagne électorale régulière. Paradoxalement, c’est quand on n’a plus peur de perdre qu’on mène les meilleures campagnes.

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