JetLag, Nebula et la mort de la télé
Ce qui est bien avec le fait de ne pas trop travailler ces jours-ci, c'est qu'on peut se permettre de regarder un peu de télé, plaisir rare dans ma vie. Je profite de la sortie de la 15e saison de JetLag: The Game le 17 septembre pour vous entretenir de mon nouveau programme favori. JetLag ?!?, vous entends-je m'interpeler. Non! Ce n'est pas un programme que vous verrez au Canal 10. C'est sur Youtube et sur... Nebula. Et c'est très très bon.
3 gars avec des iPhones et une carte de crédit
Imaginez trois gars de 27-29 ans et leurs youtubeurs invités qui décident de jouer à la tag ou à cache-cache, mais à l'échelle de New York, du Japon ou de l'Europe de l'Ouest. Leur humour, leurs gaffes et leur complicité sont gardés au montage, et les épisodes sont tournés sur des iPhones. Ça donne quelque chose de la course destination monde, mais en plus le fun.
Et si JetLag existe, c’est grâce à Nebula. Cette plateforme de créateurs indépendants ne fait pas que diffuser des vidéos : elle finance, soutient et donne un cadre à des projets qui, autrement, seraient restés coincés dans le carcan du modèle économique et des algorithmes de YouTube.
Nebula propose une télé indépendante de qualité. Du contenu par et pour la génération Z, avec la contribution de quelques vétérans milléniaux. Beaucoup de plateformes de créateurs ont vu le jour ces dernières années, mais peu ont survécu ou réussissent à faire de l'argent. Après tout, pourquoi L’un des principaux partenaires de l’aventure (et producteur de JetLag) Sam Denby explique bien la genèse de Nebula dans une de ses vidéos. Son idée est simple : créer une plateforme où les créateurs gardent la main sur leurs projets, où ils peuvent expérimenter, et surtout où ils ne sont pas prisonniers des règles de YouTube.
Sortir de la logique Youtube
C'est ici que je trouve l'arrogance passive de ces jeunes plaisante. Personne ne peut rivaliser Youtube pour le nombre de vues et d'abonnés, mais si un petit nombre de ceux-ci migrent sur Nebula : bingo. Nebula compte environ 700 000 abonnés payants. À l’échelle de Netflix, c’est une goutte d’eau. Mais pour une plateforme indépendante lancée par des créateurs, c’est énorme. Ce qui change tout, c’est que ces mêmes créateurs rassemblent, ensemble, plus de 120 millions d’abonnés sur YouTube. Impossible de rivaliser avec la machine en volume, mais chaque nouvelle vidéo agit comme une porte d’entrée vers Nebula. Si même une petite fraction de ce public migre, la plateforme est gagnante. Et c’est là que réside la vraie valeur du modèle : 50 % des revenus sont redistribués aux créateurs, Nebula finance des productions exclusives de qualité, et l’abonnement leur assure une stabilité que YouTube ne garantit pas. YouTube reste le moteur de visibilité, Nebula devient le moteur de viabilité.
Pour une nébuleuse francophone
Je me suis demandé si ce modèle pourrait être reproduit ici. Nous avons plusieurs créateurs de contenu de talent ici. Ils vivent en marge des diffuseurs officiels, et même en marge de leurs plateformes numériques. Avec des moyens du bord, beaucoup d'investissement personnel et du talent, ils réussissent à produire du contenu qui attirent ce fameux jeune public qui n'écoutent plus la télé (et qui, par le fait même, tuerait la culture). Pourtant, la culture télévisuelle est bien là. Petite mais vivante. Québécoise. Indépendante. Et oui, de plus en plus indépendantiste d'ailleurs.
Le contenu est parfois inégal. Il y a de véritables perles, comme certains citrons. On en vient des épisodes comme "j'ai passé 24h dans mon char". Mais avec un peu d'encadrement, comme le fait Nebula, nos créateurs pourraient la sortir du stade et recréer un nouvel écosystème télévisuel. Ils sont déjà en train de créer un star système parallèle de toute façon.
Je ne pouvais m'empêcher de penser à JetLag et à la bande de Shahin Ouest et Aly Brassard en lisant le rapport sur l'audiovisuel. Les propositions y sont audacieuses et très structurantes. Mais j'en aurais ajouté une dernière : la création d'une Nébuleuse francophone indépendante, avec un petit budget de départ, peut-être un partenariat avec la France, et surtout sans adultes pour leur dire comment on faisait de la télé dans les années 2000.